Vous connaissez la matrice d’Eisenhower ? Oui, sans doute. Ce modèle, destiné aux managers, permet de classer les tâches en 4 catégories afin de savoir comment et quand les traiter.
Les modèles simples ont souvent beaucoup de succès car ils sont faciles à mémoriser. Pour autant, cette matrice est, selon moi, l’archétype du modèle à ne pas appliquer tel quel.
Voici tout d’abord la matrice telle qu’on la trouve dans les manuels et sur la toile. Que voit-on ? Un schéma qui représente 2 axes (l’importance et l’urgence) séparant 4 types de tâches :
A. Les importantes et urgentes
B. Les importantes et non urgentes
C. Les non importantes et urgentes
D. Les ni importantes ni urgentes
Que dit le modèle ?
- Le manager doit traiter en priorité les tâches A puis les tâches B.
- Les tâches C doivent être déléguées.
- Quant aux tâches D, le manager ne doit tout simplement pas s’en occuper. (Les manuels disent littérallement : tâches à éliminer).
L’utilisation de la matrice d’Eisenhower engendre 2 problèmes
A. La délégation dans l’urgence
Si je délègue des tâches urgentes (tâches C), je suis dans l’obligation – excusez la lapalissade – de déléguer dans l’urgence.
C’est en effet ce que beaucoup de managers font. Et pourtant, c’est contre-productif. Le processus de délégation comporte en effet quelques étapes qui prennent un peu de temps si l’on veut les traiter convenablement :
- Accueillir le collaborateur concerné
- Argumenter la nécessité de déléguer une tâche ou une mission
- Expliquer au salarié pourquoi il a été choisi pour cela
- Décrire la mission, ses enjeux et ses modes opératoires
- Désigner les ressources sur lesquelles il pourra s’appuyer
- Valider la capacité du salarié à gérer des situations critiques
- Prendre congé en témoignant de la confiance
Peut-on réellement faire tout cela quand on est pris par le temps ? Non, évidemment !
Les effets négatifs de la délégation dans l’urgence sont nombreux et parfois assez graves…
- Le collaborateur va se démotiver car il ne pourra ressentir qu’une surcharge de travail
- Il ne va pas assimiler les enjeux, les délais et les objectifs attendus
- Il va dans de nombreux cas faire la tâche de façon approximative
- Le manager pourra alors être amené à faire des reproches et à croire qu’il vaut mieux tout faire soi-même
- Etc…
En synthèse : Si l’on ne s’occupe pas des tâches D, elles se transformeront un jour en tâches C (car elles deviendront urgentes) et l’on n’aura pas d’autre choix que de déléguer dans l’urgence. Déléguons donc les tâches D pendant qu’il est temps !
B. La confusion Importance / Complexité
On voit dans la matrice d’Eisenhower que les tâches non importantes (C et D) doivent être déléguées.
Que signifie le mot importance dans cette matrice ? Les manuels décrivent la tâche importante (A ou B) comme une tâche ayant un certain enjeu.
Mais cela signifie-t-il que cette tâche est complexe à réaliser ? A l’inverse, une tâche non importante (C ou D) est-elle forcément simple ?
Quelques autres questions, pour bien comprendre les notions d’importance et de complexité :
- Ne démotive-t-on pas un collaborateur en ne lui confiant que des tâches sans enjeu ?
- Ne peut-on pas exercer un contrôle rigoureux qui permettrait à un salarié compétent de prendre en charge des missions plus importantes – et souvent plus intéressantes ?
- N’est-il pas parfois plus simple d’effectuer soi-même certaines tâches non importantes, plutôt que passer un temps considérable à expliquer ce que l’on attend de son collaborateur (si la tâche est complexe) ?
- Les nouveaux paradigmes de l’entreprise (l’entreprise libérée, le bonheur au travail) nous amènent à donner des responsabilités croissantes à nos collaborateurs. Ne faut-il pas intégrer cette donnée dans la façon d’administrer les tâches et missions ?
Ces quelques questions n’ont pas de réponse toute faite. Il faut se les poser au cas le cas et, là encore, réfléchir avant d’appliquer la matrice d’Eisenhower.
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